jeudi 29 mars 2012

Nha Trang - Comment j'ai rencontré Alex (27-29 mars 2012)

Ah, Nha Trang... Son urbanisme raffiné, ses touristes rivalisant d'élégance aux terrasses des bars, sa plage authentiquement bétonnée, son parc d'attraction... Bon, soyons clair : après un périple de quatre jours dans le magnifique Vietnam des montagnes, arriver ici, c'est un peu le bad trip. En plus, le temps est maussade, et les virées en mer pour plonger dans les eaux turquoises qui font la renommée de la côte perdent tout leur intérêt. Sans compter la baignade, impraticable dans des vagues plutôt violentes. Mais que.. quoi... mais enfin c'est quoi ce bazar ??

Mercredi 28 mars
, je tente d'abord de m'amadouer moi-même avec les tours Cham de Po Nagar, du VIIe-XIIe siècles, principal intérêt archéologique de la région. Mais même les vieilles pierres (même elles !!) et la vue qu'elles offrent ne parviennent pas à venir à bout de mon aversion (tenace) pour la ville. 

 


J'essaye alors d'autres tactiques qui ont fait leurs preuves dans le passé :  jus de carotte, cathédrale, galerie photo (excellente, pourtant : Long Thanh, le plus célèbre photographe du Vietnam, est installé à Nha Trang, et ses clichés dégagent une émotion incroyable), café de Buon Ma Thuot, pagodes... rien n'y fait. Bon, là, ça commence à à se corser. J'ai réservé mon billet pour le bus de nuit vers Hoï An pour le jeudi 29 mars au soir... Deux jours ici, mais quelle blague ! Et puis, et puis... 
Et puis j'ai rencontré Alexandre.
En fait, on s'était déjà croisé à Paris, rue du Docteur Roux, à l'occasion de remises de prix, de communiqués de presse, de visites de l'Institut Pasteur... Mais pour tout dire, toute occupée à ma besogne quotidienne, je n'avais pas vraiment pris le temps de  faire plus ample connaissance avec lui.

Pour toi lecteur qui ne me connais pas et pour qui ces lignes paraissent mystérieuses, quelques explications : Alexandre Yersin était un bactériologiste, disciple de Louis Pasteur, qui au cours de sa fabuleuse et passionnante carrière, est venu s'installer ici, à Nha Trang, et y a fondé un Institut Pasteur, en 1895. En tant que salariée de l'Institut Pasteur à Paris, je ne pouvais donc pas passer à côté de la visite du Musée Yersin, qui occupe aujourd'hui l'ancienne bibliothèque et le bureau du chercheur. Et là... la claque !


L'exposition du musée (merci Annick Perrot, le conservateur du Musée Pasteur, qui l'a signée !) m'a littéralement captivée, et je me suis jetée sur les biographies qui étaient en vente à l'accueil. Deux jours à Nha Trang sous la pluie ? Mais... pas de problème, je bouquine, je bouquine, et je bouquine encore.

Sans réinventer la poudre et raconter ici la vie de cet homme modeste, à la production scientifique remarquable, et impressionnant de courage, d'humanisme, de bonté et d'éclectisme, il faut peut-être quand même garder à l'esprit qu'au cours de sa carrière, Alexandre Yersin a été chercheur, explorateur, botaniste, ingénieur agronome, astronome, qu'il a découvert le bacille de la peste, qui ravageait à l'époque les populations d’Extrême Orient, qu'il a mis au point un vaccin et élaboré le sérum contre la maladie, et qu'il a considérablement oeuvré pour le bien-être des populations, en particulier des plus démunies, et pas seulement sur le plan de la santé. Il est d'ailleurs adulé ici, et les Vietnamiens lui vouent un véritable culte, au point de lui avoir érigé deux autels, avec sa photo au même rang que les statues de Bouddha.

Pour finir, un petit clin d'oeil : Alexandre Yersin entretenait avec sa mère une correspondance soutenue. A l'entrée du musée, il y a cette lettre, qui m'a à la fois touchée et bien fait rire (fautes d'orthographe d'origine) :

Chère Maman,
Nous voilà déjà bientôt en avril ! Le temps passe pourtant vite et août sera bientôt là, où je serai re vers ma maman !

Merci de ta dernière carte ; tu [m'as demandé] des détails sur mes bas de coton. Après un examen approfondi, voici la diagnose que je suis parvenu à faire : j'ai 4 paires de bas de coton blanc qui sont marqués Y 1, 6, 9, 11. Comme prognose j'ai conclu que une hyperplasie dans le nombre de mes paires de bas de coton serait une bonne chose. J'aimerai bien si possible que tu me les envoie ds une malle de moyenne grandeur que je te renverrais avec mes vêtements d'hiver ; ma robe de chambre en particulier est assez malade, la poche gauche présente une vaste plaie qui n'a aucune tendance à guérir, par intention primaire ou secondaire ! Des greffes épithéliales seront nécessaires pour hâter la formation d'un tissu de granulations cicatriciel [...].


Il m'a donc fallu partir à l'autre bout du monde pour me passionner pour un immense monsieur qui a travaillé dans le même institut que moi. Mieux vaut tard que jamais, n'est-ce pas ? Et qu'est-ce qu'on dit ? Bon, OK, merci Nha Trang !

3 commentaires:

  1. Oh! c'est mon scooter sur la première photo !! Ils ont bon gout ces Vietnamiens :)
    Et viva Alex !!!!!

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  2. Merci à Alexandre d'avoir rendu ton passage à Nha Trang passionnant !

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  3. Eh bien tu es prête pour aider Annick Perrot à finaliser le film qu'elle écrit et veut faire sur son héro. Si t'y prends goût alors on fera un film sur mon héro à moi (Elie Metchnikoff). L'un a laissé son nom à son bacille (Yersinia pestis) l'autre à un peptide anti-microbien d'insecte (metchnikowin)

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